Scientifique, écologiste militante et activiste féministe, essayiste, Vandana Shiva, l’altermondialiste indienne lutte pour les semences libres en Inde. Elle est considérée comme la cheffe de file du mouvement prônant un retour à des valeurs qui mettent la femme et la nature au cœur de la lutte contre l’industrie agroalimentaire néolibérale.

pour l’Inde et le monde le combat tous azimuts de la pionnière Vandana Shiva

Née le 5 novembre 1952 au nord de l’Inde, aux pieds de l’Himalaya, à Dehradun, dans l’Etat d’Uttarakhand, elle passe son enfance au plus près de la nature. Sa mère, une réfugiée pakistanaise partisane de l’autosuffisance alimentaire, est la première fille de son village à avoir fait des études, et son père, est un ancien soldat de l’armée britannique devenu garde forestier.

Enfance

Alors qu’elle a 4 ans, son grand père, Mukhtiar Singh, un homme de conviction prêt à tout pour l’égalité filles-garçons dans un État et l’accès des filles à l’éducation, à une époque où les disparités prédominent, qui a décidé en 1946 de créer à Dubai la première école de filles de l’Etat, meurt suite à une grève de la faim pour avoir défendu ses idées.

Sa demande trouvera grâce aux yeux du gouvernement, mais trop tard, et son exemple sera toujours
une source d’inspiration pour la jeune Vandana.

Etudes

Titulaire d’une licence de physique obtenue en 1972 à Chandigarh, à l’université du Punjab, puis d’un master en 1974, elle obtient la bourse nationale du Talent scientifique.

Dans le même temps, elle travaille à la Commission de l’énergie où elle est la seule femme.

Sa sœur Mira, étudiante en médecine, s’inquiète pour sa santé en raison des radiations auxquelles elle est exposée dans son domaine d’études et la pousse à changer de voie.

Vandana se tourne alors vers la philosophie des sciences et part au Canada où elle obtient un master à
l’Université de Guelph, en Ontario, puis, en 1978, un doctorat à l’université de Western Ontario, avec sa thèse Changes in the Concept of Periodicity of Light.
De retour en Inde, à l’Indian Institute of Science, elle réoriente ses recherches vers le domaine des politiques environnementales.

La Révolution verte

Dans les années 60 et 70, l’Inde traverse une crise agricole et subit plusieurs famines. Dès 1967, le sous continent est en outre frappé par une croissance démographique telle que l’État craint de ne pouvoir
subvenir aux besoins alimentaires des habitants, car les agriculteurs ne sont pas équipés pour répondre à une telle demande.

Afin d’améliorer la productivité agricole, le gouvernement indien décide donc de l’augmenter en s’inspirant des modèles occidentaux et met en place une révolution agraire appelée « révolution verte » qui développe les cultures à haut rendement aux dépens des écosystèmes.

À la tête de ce projet se trouvent le Premier ministre, M. Nehru et M.S. Swaminathan, un jeune agronome généticien. Le projet se décline en trois axes majeurs :

  • importation d’engrais et de semences occidentales, et copie des techniques de culture intensive qui se pratiquent en Europe ;
  • mécanisation du secteur primaire dans le but d’augmenter la productivité ;
  • mise en place d’un système d’irrigation efficace.


Dans un premier temps, la révolution verte, considérée comme une véritable réussite, permet à l’Inde de devenir dès les années 70 une puissance agricole au niveau mondial, d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et d’éviter de nouvelles famines.

L’euphorie est cependant de courte durée. En effet, après quelques années de telles pratiques intensives, les agriculteurs doivent faire face à de nombreux problèmes.
Les terres fertiles sont devenues stériles par manque de matières organiques, les produits chimiques secrètent de mauvaises odeurs, rendant les produits non comestibles, et les nappes phréatiques sont sur-exploitées.

Face à la situation, Swaminathan décide de mettre certaines mesures en place. Il pousse les agriculteurs à pratiquer une culture biologique et à utiliser moins d’eau, mais il est difficile pour l’Inde de réparer les erreurs du passé.

Prise de conscience

C’est dans ce contexte que Vandana Shiva mène ses premiers combats.
C’est au moment où elle s’apprête à quitter l’Inde qu’elle prend conscience de l’importance de protéger l’environnement.

Alors qu’elle veut nager une dernière fois avant son départ dans la rivière qu’elle connaît depuis son
enfance, elle est choquée de constater que le lit en est presque à sec, et que les forêts dans lesquelles elle a grandi ont disparu. Révoltée par cette destruction du milieu naturel, elle rejoint le mouvement Chipko (« pot de colle » en hindi) et mène avec sa mère et d’autres femmes son premier combat en enlaçant les arbres pour éviter qu’ils ne soient sciés, mouvement inspiré de celui des Bishnoï qui, au XVIIIe siècle, préférèrent mourir que de laisser couper des arbres.

En 1982, elle crée la Fondation de recherche pour la science, la technologie et la gestion des ressources naturelles (Research Foundation for Science, Technology and Ecology).

Son premier mandat de l’Onu débouche sur « La violence dans la révolution verte », texte qui met au jour les conséquences du projet entrepris par l’État indien, avec la violence et le terrorisme au Punjab.
Dès les années 1980, elle est très active dans le Narmada Bachao Andolan (Mouvement Sauvons le Narmada) qui s’oppose à la construction de barrages sur la rivière Narmadâ qui bouleverseraient les écosystèmes et obligeraient des millions de paysans à s’exiler.

Un peu plus tard, en 1987, à Megève, en France, où elle est venue en tant qu’accompagnatrice de sa
sœur médecin, la jeune femme, qui assiste par hasard à une réunion sur l’impact environnemental des nouvelles biotechnologies, découvre le plan mis en place parles grands groupes agroalimentaires avec la mainmise sur les semences pour « prendre le contrôle des semences grâce au brevetage et aux OGM, vendre aux paysans du monde entier ce que la Terre leur offre gratuitement – les graines – et se rapprocher pour former un oligopole constitué de cinq grands groupes capables d’influencer largement, voire de déterminer les décisions des gouvernements et des institutions internationales ».

C’est le début d’une lutte acharnée contre le système néolibéral. Aux côtés du mouvement Seed
Freedom(graine en liberté), qui a pour objectif de détruire les brevets sur la privatisation des graines. Vandana Shiva crée en 1991 l’ONG Navdanya (« neuf graines » ou « le don de renouveler » en hindi) dont l’objectif est de permettre l’autonomie alimentaire. Choisissant la graine comme
symbole et porte-étendard de ses convictions, l’ONG vise à protéger la biodiversité agricole indienne et à lutter contre les multinationales qui la mettent en péril.

Vandana Shiva se mobilise autour des petits paysans et des femmes de son pays afin qu’ils participent eux-mêmes à leur développement sans dépendre des industries étrangères. Les producteurs se forment ainsi à l’agriculture biologique, puis elle obtient pour eux le droit d’échanger et de reproduire
leurs semences.

Après avoir organisé des marches avec des centaines de milliers de fermiers, Vandana Shiva souligne que « nous avons obtenu du gouvernement indien la seule loi au monde autorisant les paysans à reproduire, échanger, distribuer, améliorer, diffuser, vendre des graines. Ce qui, par exemple, est interdit en France, mais qui le sait ? ».
En 1995, elle achète dans la vallée de Duun une parcelle rendue stérile par l’exploitation chimique, et se donnant pour mission de la régénérer, y implante une ferme qui servira de modèle.

Très vite, la surface agricole de 8 hectares passe à 18, et le besoin de main-d’œuvre se fait ressentir.
Grâce à son savoir scientifique et à son excellente connaissance des écosystèmes, elle développe la ferme de Navdanya qui permet à aux paysans d’accéder à une banque de semences et, par conséquent, de produire en toute indépendance.

Pour les pays du Sud, c’est une voix qui s’élève contre la privatisation des graines par les grandes multinationales. Navdanya est une véritable banque de semences modèle, qui a permis à plus de 10 000 fermiers d’Inde, du Pakistan, du Tibet, du Népal et du Bangladesh de redécouvrir l’agriculture « organique ».

Le principe est simple: l’agriculteur, aussi appelé « gardien de graines», reçoit une graine de l’association et se doit d’en reproduire d’autres. Il doit à son tour renvoyer les
nouvelles semences à la ferme Navdanya, ou les offrir à d’autres agriculteurs qui s’engagent à répéter le mouvement. La diffusion de ces semences a très probablement contribué à l’expansion de l’agriculture biologique en Inde.
En 2002, Navdanya prend encore de l’ampleur en accueillant la première université de la Terre, la Bija Vidyapeeth, ou « Ecole de la graine ». Fruit du travail acharné de Satish Kumar, un ami altermondialiste de Vandana Shiva, ce sanctuaire de la biodiversité et de l’éducation offre des programmes sur la gestion de l’eau, la vie des sols, la souveraineté alimentaire, ou encore les techniques de l’activisme.

Victoires

Plutôt que de se limiter au créneau très spécialisé que représente la lutte agricole, Vandana Shiva a choisi de faire de la semence un catalyseur d’enjeux aussi varié que la souveraineté alimentaire, la démocratie, la paix, la mobilisation, ou encore le féminisme.

En 2001, avec 14 lauréats du Prix Nobel alternatif ou du Prix Goldman, au Mexique, elle demande au
Congrès la reconnaissance constitutionnelle des peuples autochtones et de leurs droits en insistant sur « leur rôle dans le développement et la conservation de la biodiversité naturelle et culturelle»
En 2004, après deux ans de combat, elle obtient la fermeture de l’usine Coca-Cola du Kerala.
Sa lutte contre les OGM, une épopée à elle toute seule, fera l’objet d’un art²icle dans le dossier
que Biophilia magazine consacrera à ce sujet dans son N°2.

Actualité

Elle est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le 4 mars 2009, et dirige aussi la Fondation de la recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles (Research Foundation for Science, Technology and
Natural Resource Policy
).

Récompenses

En 1993, pour avoir «placé les femmes et l’écologie au cœur du discours sur le développement moderne », Vandana Shiva reçoit le Right Livelihood ou Prix Nobel Alternatif qui a pour but « d’honorer et de soutenir ceux qui offrent des réponses pratiques et exemplaires aux défis les plus urgents auxquels nous devons faire face aujourd’hui ».

En 2010, elle reçoit le prix Sydney Peace Prize en tant que leader du mouvement pour la justice sociale
et l’autonomie des femmes dans les pays en voie de développement, pour son travail scientifique et pour le plaidoyer des droits des petites communautés agricoles.

En 2012, elle reçoit le prix Fukoa Asian Culture Prize pour l’ensemble de sa carrière

Ouvrages

Elle est l’autrice de plusieurs ouvrages-clés, souvent traduits en français, mettant en avant son point de
vue et ses convictions :

  • Staying Alive (1988) tiré de sonétude Staying Alive – Women ecology and survival in India ;
  • The Violence of the Green Revolution – Third World Agriculture, Ecology and Politics (1991) ;
  • Écoféministe (1993) ;
  • Éthique et agro-industrie. Main basse sur la vie (1996) ;
  • Le terrorisme alimentaire (2001) ;
  • La Guerre de l’eau : Privation, pollution et profit (2003).

Sources : Wikipédia, Tanguy Houghton,
cellesquiosent.com et consoblog.com

BIOPHILIA MAGAZINE N°1 février-mars 2023

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