Des milliers de graines précieusement conservées dans de petits sachets en papier, étiquetés et stockés dans d’immenses bibliothèques, c’est le trésor que protège l’Institut Vavilov de Saint-Pétersbourg en Russie, fondé en 1926 par l’agronome russe Nikolaï Vavilov.

Aujourd’hui la collection Vavilov compte plus de 325.000 échatillons de variétés végétales, dont 80% seraient même introuvables ailleurs.

A Saint-Pétersbourg, l’héroïque épopée de la première banque de graines l’Institut Vavilov

Du nom du généticien Nikolaï Vavilov, l’Institut Vavilov, ou « Institut panrusse des productions végétales N. I. Vavilov », renommé en 2015 « Institut panrusse des ressources génétiques végétales », est un centre de recherche agronomique russe. Son siège est situé au cœur du centre historique de Saint Pétersbourg, au nord du district de l’Amirauté, où il occupe deux bâtiments de la place Saint-Isaac. L’Institut dispose en outre de douze stations, dont un terrain de 500 hectares situé à Pavlovsk, à trente kilomètres du port de la Baltique.

En 1894, à Saint-Pétersbourg, alors capitale de l’empire tsariste, le ministère de l’Agriculture et des domaines créa une annexe à l’Académie des sciences agricoles de Russie : l’Institut de botanique appliquée destiné à l’étude des plantes cultivées en Russie.

À partir de 1908, ses botanistes commencèrent à collecter des plantes et des graines dans tout le pays.

Au début des années 1910, Nikolaï Vavilov intégra l’Institut pour y être formé à la botanique appliquée. En 1914, l’herbier de l’Institut, qui constituait déjà une banque de grainesriche de centaines de milliers de variétés végétales, dont certaines uniques au monde, comprenait plus de 10 000 variétés rapportées des provinces russes.

Devenu généticien et promu directeur de l’Institut en 1920, Vavilov s’installa à Petrograd (ex-Saint-Pétersbourg) en mars 1921. Puis l’Institut fut absorbé par l’Institut d’État d’Agriculture expérimentale (IEAE) nouvellement fondé, à la tête duquel fut nommé Vavilov.

En 1924, l’IEAE possédait une collection de plantes comprenant près de 50 000 variétés.

Dès le début des années 1930, la montée du priva de financement l’IEAE, renommé Institut national
des plantes industrielles
(INPI).

La répression stalinienne

À partir de 1932, des employés furent arrêtés, des scientifiques démissionnèrent, et la situation se dégrada. En 1940, Vavilov, sous surveillance depuis 1931 et accusé de sabotage et d’espionnage, fut arrêté.

Le siège par l’armée nazie

Malgré le siège de Léningrad (ex Pétrograd) par l’armée allemande de septembre 1941 à janvier 1944, les collections – 50 000 échantillons de semences en 1940 – furent épargnées. Le personnel fit sortir clandestinement de la ville des spécimens précieux, protégea les autres des pillages, du froid, des rats qui pullulaient, et préféra souffrir de la faim que de manger les réserves des diverses céréales dont il avait la garde. Neuf des douze botanistes restés en poste à Léningrad moururent de faim tandis que d’autres membres du personnel périssaient dans les combats.

Une partie du stock de graines perdu durant le siège de la ville fut reconstitué grâce aux plantes récoltées dans les champs voisins ensemencés au printemps 1939.

Nicolaï Vavilov mourut en janvier 1943 à la prison de Saratov. Il ne sera réhabilité officiellement qu’en 1955.

La reconnaissance

En 1967, douze ans plus tard, l’INPI fut rebaptisé du nom du généticien russe qui avait consacré sa vie au développement d’une banque de graines en collectant des végétaux au cours de dizaines d’expéditions dans divers pays des américain, africain et européen.

Dans les années 2010, l’Institut reçut des crédits importants pour contribuer à réduire la dépendance alimentaire de la Russie compte tenu des sanctions imposées par l’Union européenne à la suite de la crise de Crimée.

Les collections de l’institut

En 1994, cent ans après sa création, l’Institut abritait les graines et semences d’environ 345 000 variétés végétales, dont 80 % uniques au monde. Il possède actuellement un ensemble de collections rassemblant 334 000 spécimens de plantes représentant 86 familles – 2 102 espèces appartenant à 425 genres.

Considéré comme la plus banque de graines du monde, et la quatrième mondiale, il conserve entre autres environ un millier de variétés de fraisiers, et une centaine de variétés de groseilliers à maquereau, de framboisiers et de cerisiers.

Ses douze stations, à Astrakhan, à Derbent, dans le Daghestan, près de Vladivostok, à 25 km de Mitchourinsk, près d’Ekaterinbourg, près de Krymsk, dans le Kouban, à Maïkop, à Moscou, à Pavlovsk, à Krasnoslobodsk, près de Vologda, ainsi que la station polaire et la station de sélection de Zeïsk, sont organisées de façon indépendante.

En 2010, celle de Pavlovsk, située dans une localité devenue une banlieue résidentielle de Saint Pétersbourg, fut menacée par des projets immobiliers. L’affaire remonta jusqu’au président Medvedev, qui confirma en 2012 la propriété de la station expérimentale de Pavlovsk à l’Institut Vavilov.

En conclusion, ce qu’il faut retenir de l’histoire de cet institut russe, c’est, d’une part, la vision prémonitoire de Nikolaï Vavilov, qui, 50 ans avant tous les autres, fut le pionnier de la conservation du patrimoine végétal, puisque la deuxième banque de graines ne sera créée qu’en 1943 – au moment où Vavilov s’éteint – par les Allemands.

Hasard ou coïncidence ? Leçon tirée du siège de Léningrad, ou résultat d’un espionnage industriel à
la faveur du siège ? L’histoire ne le dit pas.

D’autre part, comment ne pas être reconnaissants de l’héroïsme de ces chercheurs qui ont préféré mourir de faim plutôt que de sacrifier le patrimoine végétal qu’ils considéraient comme appartenant aux générations futures ? Un exemple que notre époque avide de profits ferait bien de ne pas oublier.

L’actualité récente de l’Institut est rassurante, comme en témoigne les propos de son directeur, recueillis en 2016 par Nathalie Jollien, du quotidien suisse Le Temps, selon qui l’Institut Vavilov renferme dans ses collections de quoi reconstituer le patrimoine végétal en cas de disparition de la biodiversité.

Le Temps : Quel est l’intérêt d’une banque de semences?

Nikolaï Dzyubenko : L’idée est de pouvoir les réutiliser dans le futur. La tendance étant à la monoculture, la diversité génétique se perd petit à petit. Mais nous ne savons de quoi demain sera fait, quels seront les besoins et les conditions climatiques. En collectant un maximum de la biodiversité actuelle, nous espérons assurer l’avenir alimentaire en ayant la possibilité de créer des variétés résistantes ou adaptées à des climats spécifiques. A côté de cela, nous avons également l’ambition de sauvegarder l’héritage culturel humain, c’est-à-dire de garder une trace des espèces développées par l’humanité au fils des ans après de longs processus de sélection.

Est-ce que, 90 ans après la création de l’Institut, de nouvelles graines sont encore aujourd’hui ajoutées aux collections ?

Oui, tout à fait, des expéditions de collecte sont toujours organisées. Les voyages ne se font plus aux quatre coins du monde comme au temps de Vavilov, mais principalement dans le territoire russe ou les pays environnants. Cette année, 13 expéditions se sont succédées, et cette dynamique devrait perdurer si le financement le permet.

Une fois stockées, que deviennent les graines ?

A température ambiante, une graine ne se conserve pas plus de 5 à 7 ans Si elle est congelée, cela peut aller jusqu’à 50 ans. Les graines doivent donc être régénérées régulièrement. Concrètement, chaque année, 10 % de la collection est remise en terre. Les plantes grandissent et leurs graines sont collectées. La collection compte des plantes requérant tous les types de climats, excepté les plantes subtropicales et tropicales qui ne sont pas cultivables en Russie. C’est pourquoi l’Institut Vavilov possède 11 stations expérimentales réparties à travers le pays, correspondant à ses différents climats et servant à la régénération des semences.

Vos activités comprennent aussi la recherche ?

Pour que le matériel soit vivant, il faut aussi l’étudier. Nos stations expérimentales servent donc également à la recherche scientifique. L’Institut Vavilov est d’ailleurs une des seules banques de semences à effectuer de la recherche depuis ses débuts. Nous effectuons des études préliminaires sur les variétés de plantes avant de transmettre les données et les graines à des sélectionneurs qui cherchent à créer un type de plantes particulier.

La collection comprend-elle des semences ayant disparu de leur terre d’origine ?

En effet, et certaines ont même été réhabilitées grâce à des échantillons conservés dans nos collections. Il y a notamment le cas d’une variété éthiopienne de blé qui avait disparu après une guerre civile ayant ravagé le pays. Grâce aux semences entreposées en Russie, l’Ethiopie a pu la récupérer.

Plus récemment, des fermiers allemands ont eu le bonheur de retrouver deux variétés de lentilles
disparues depuis la période d’avant guerre. Ils avaient effectué des recherches au niveau local, mais sans succès. C’est en tombant par hasard sur le site Internet de l’Institut qu’ils les ont retrouvées, listées dans le catalogue de ses collections. C’est ainsi qu’une délégation allemande a reçu en grande pompe les deux variétés de lentilles perdues.

Sources : Wikipédia et Le Temps

BIOPHILIA MAGAZINE N°1 février-mars 2023

Instagram

Ce message d’erreur n’est visible que pour les administrateurs de WordPress

Erreur. Aucun flux trouvé.

Veuillez aller sur la page de réglages d‘Instagram Feed pour connecter votre compte.