«Les semences sont au cœur de la culture et des systèmes alimentaires des populations, à tel point que contrôler les semences revient à contrôler la vie», déclare Michael Fakhi, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation dans son rapport au Conseil des droits de l’Homme de l’Onu.

Titulaire d’un doctorat de l’université de Toronto,
d’une maîtrise de la faculté de droit d’Harvard,
et d’une licence en écologie de l’Université Western.
Professeur de droit à l’Université de l’Oregon.
Dirige le projet de résilience alimentaire de
l’Environmental and Natural Resources Law Center.
Auteur de Bandung, Global History, and International Law.
Nommé Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation par
le Conseil des droits de l’Homme de l’Onu en mars 2020.

Michael Fakhri

L’expert souligne également qu’après dix mille ans passés à cultiver les plantes, à expérimenter et à s’adapter à l’environnement, les paysans et les agriculteurs ont mis en place deux types de systèmes de semences différents pour assurer leur survie : celui des semences paysannes et celui des semences industrielles.

Deux systèmes de semences

Selon M. Fakhri, les systèmes de semences paysannes sont à la base de tous les systèmes alimentaires. Ils encouragent le renouvellement de la biodiversité, permettent la libre circulation des semences et des connaissances entre les systèmes alimentaires plus résilients face aux changements climatiques, aux nuisibles et aux agents pathogènes.

Ces systèmes contribuent à “réaliser le droit à la vie et à l’alimentation des populations, et permettent aux agriculteurs de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre librement leurs semences. Ils garantissent aux communautés la possibilité de se nourrir de manière adéquate grâce au fruit de leur récolte », explique-t-il. « Ils permettent aux agriculteurs de cultiver leurs terres en tenant compte des changements à l’œuvre et en s’y adaptant, rendant ainsi les communautés plus fortes et les systèmes alimentaires plus résilients»

Les systèmes de semences industrielles, quant à eux, visent à la reproduction de variétés homogènes dont la culture nécessite le recours à des intrants chimiques, indique M. Fakhri. « Le principal objectif est de dégager des bénéfices en produisant autant de nourriture que possible », ajoute-t-il.

Quatre firmes agrochimiques les «Big Four», dominent les systèmes. Selon l’expert, elles contrôlent 60 % du marché mondial des semences, et 75 % de celui des pesticides, ce qui leur permet d’exercer une véritable emprise sur les variétés, la distribution et le prix des semences.

« La concentration du marché est telle qu’un petit nombre d’entreprises contrôle injustement le prix et la distribution des semences », affirme-t-il. « Plus la biodiversité est réduite dans nos systèmes alimentaires, plus les exploitations agricoles sont vulnérables aux chocs climatiques. Les pesticides, qui sont de plus en plus utilisés, ont des effets néfastes sur la santé des travailleurs agricoles, des exploitants et des membres de leur famille ».

Deux systèmes juridiques contradictoires

M. Fakhri fait également remarquer que chaque type de système de semences est associé à un système juridique différent. Les systèmes de semences paysannes reposent sur les droits des agriculteurs, qui sont reconnus par l’article 9 du Traité international sur les ressources phylogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, l’article 31 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Ils y sont clairement réaffirmés comme étant des droits humains inaliénables, tous les peuples autochtones et les paysans ayant le droit de perpétuer, contrôler, protéger et développer leurs semences et savoirs traditionnels.

Pourtant, depuis la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle, les systèmes alimentaires mondiaux sont de plus en plus industrialisés, rendant ainsi les agriculteurs tributaires des coûteux intrants que produisent les firmes agrochimiques. Selon lui, les systèmes de semences industrielles reposent sur la reproduction de variétés de semences homogènes, dont la culture nécessite le recours à des intrants chimiques, le tout étant encadré par des régimes de propriété intellectuelle et par le droit des contrats

En 1991, les pays européens ont commencé à promouvoir leur cadre relatif au régime de propriété
avec le soutien de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales et de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur
les ADPIC)* de mondiale du Commerce (OMC), entré en vigueur trois ans plus tard.

Selon M. Fakhri, la difficulté, pour les États qui protègent le droit des agriculteurs à perpétuer, contrôler, protéger et développer leurs propres semences et savoirs agricoles traditionnels, réside dans le fait que leurs obligations en vertu des paysages juridiques internationaux et nationaux actuels, associés à deux types de systèmes de semences, créent des obligations potentiellement contradictoires et des risques de violations des droits humains à l’encontre des paysans et
des communautés autochtones.

« Malheureusement, de plus en plus de pays, notamment sur le continent africain, se sentent poussés à adopter des lois autorisant le brevetage des semences, à signer la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, ou à réformer leur législation nationale de manière à la rendre conforme à la Convention », déplore-t-il. « Cela doit cesser ».

Dans son rapport, l’expert propose des orientations pour faire avancer les droits des agriculteurs, des peuples autochtones et des travailleurs grâce au Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Cela comprend la reconnaissance du droit des agriculteurs et des peuples autochtones aux semences ; la protection des connaissances traditionnelles des agriculteurs et des populations autochtones ; le droit de conserver, utiliser, échanger et vendre des semences de ferme ; le droit de participer équitablement au partage des avantages ; et le droit de participer à la prise de décision.

« Si vous protégez vos systèmes de semences en réalisant pleinement les droits des agriculteurs et des travailleurs, le tout dans un cadre garantissant le droit à la vie, vos terres en tireront les bienfaits en ces temps difficiles», conclut-il

*ADPIC : Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

BIOPHILIA MAGAZINE N°1 février-mars 2023

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